Le Tonneau magique

Que sait-on de la vie des artisans, ouvriers ou étudiants juifs qui peuplèrent sans bruit les quartiers du New York des années 50? Que deviennent ces Kessler, Sobel ou Manischevitz lorsque leurs mains ne s’activent plus sur l’ouvrage, lorsque la solitude, le manque d’inspiration ou l’ennui les gangrènent? Qu’attendaient-ils au juste de cette terre promise américaine? Filous à la petite semaine tentant de joindre les deux bouts d’abracadabrante façon, sagaces pères de famille ou jeunes hommes compliqués à marier, chacun cherche ici à contrer les revers d’une existence dont Dieu -et l’espoir- se sont un peu absentés. Les hommes candides comme les grincheux s’obstinent à trouver (ou à conserver) un petit lopin de soleil. Voilà, dans ce recueil qui a 60 ans, de quoi nous mettre le coeur dans la gorge. Malamud nous conte, avec autant de malice que de soin à tenir ses mots au cordeau, ce qu’il advient de l’humanité lorsqu’elle est poussée dans ses retranchements. Lorsque se contenter d’être une créature chiche qui trime du lever au coucher ne suffit plus à nourrir l’âme. Ce fils d’immigrés russes nous expose, avec un sens saillant de la tragi-comédie, ce qui rend perclus d’attente ces êtres en exil, rendant leur moralité vacillante et faisant fondre leur solidarité. Il y a dans ces treize destins assurément de quoi remplir sans fin le tonneau des Danaïdes de larmes tendres et de rires réflexifs et les laisser s’écouler sur une cohorte des lecteurs. Pas étonnant que Philip Roth ait autrefois fait son miel de cette oeuvre poignante, allant jusqu’à rendre hommage à son précieux précurseur et pair dans Parlons travail.

De Bernard Malamud, traduit de l’anglais (États-Unis) par Josée Kamoun, Éditions Rivages, 250 pages.

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