La « Lubitsch touch »

Design for Living

Cinq films du grand Ernst Lubitsch reviennent illustrer son génie comique (mais pas seulement).

On demandait à Billy Wilder d’évoquer ce qu’était la « Lubitsch touch ». Le réalisateur de Sunset Boulevard et de Some Like It Hot commença par dire que ce n’était pas une formule (si ce l’était, il se serait empressé de la faire breveter!), puis il cita la scène de The Smiling Lieutenant, un film de 1931 où un roi découvre que la reine le trompe avec un jeune officier. Tout se déroule hors de la chambre royale. Le souverain au ventre proéminent en sort. Le jeune lieutenant attend qu’il s’éloigne pour entrer dans la chambre. Cut sur le roi qui s’aperçoit qu’il a omis de mettre sa ceinture et son épée. Il retourne à la chambre et y pénètre, puis en ressort avec ce qu’il avait oublié. Il repart tout en ceignant la ceinture… qui se révèle bien trop petite pour sa taille. Ainsi réalise-t-il qu’il est cocu! « Nul autre que Lubitsch n’aurait imaginé cette manière subtile d’user de la suggestion, du hors-champ, pour offrir ensuite au spectateur un super-gag visuel », concluait un Wilder admiratif. Les deux hommes avaient collaboré avec bonheur, entre autres pour Bluebeard’s Eight Wife, film de 1938 qui figure parmi les cinq rééditions sorties chez l’éditeur Elephant. Les autres titres étant One Hour with You (1932), If I Had a Million (même année), Design for Living (1933) et l’atypique Broken Lullaby (de 1932, encore).

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Mélodrame antimilitariste poignant, le dernier cité a fourni l’inspiration de Frantz à François Ozon. Un jeune musicien français, miné par un sentiment de culpabilité, s’y rend en Allemagne, au lendemain de la Première Guerre mondiale, chez les parents du soldat allemand qu’il a tué dans une tranchée… et dont il commence par prétendre qu’il fut son ami, avant de finir par avouer la tragique vérité. Lubitsch affiche beaucoup de maîtrise mais aussi d’émotion dans ce mélodrame réconciliateur, lui le natif de Berlin parti à Hollywood dans les années 20. La comédie tient évidemment la vedette dans les quatre autres films. Quel plaisir de redécouvrir ce chef-d’oeuvre subversif qu’est Design for Living, piquante et irrésistible chronique d’un trio qu’on qualifierait aujourd’hui de polyamoureux. Miriam Hopkins y est épatante entre Gary Cooper et Fredric March, amis et rivaux qui vont bien devoir admettre que l’élue de leur coeur ne veut pas choisir entre eux… L’audace morale et sexuelle étant une des constantes de l’oeuvre de Lubitsch. Lequel aimait aussi le trait social et satirique, comme dans son épisode du film à sketches If I Had a Million où un modeste employé joué par Charles Laughton apprend qu’il a gagné le gros lot à la loterie et remonte étage après étage, bureau après bureau, jusqu’à celui du grand patron de l’entreprise, auquel il signifie sa démission d’une manière que nous ne dévoilerons pas ici. One Hour with You voit un sémillant Maurice Chevalier (le lieutenant amant de la reine cité plus haut) hésiter entre sa femme (Jeannette MacDonald) et la meilleure amie de celle-ci (Genevieve Tobin). Encore un trio et des quiproquos, joyeusement agités par un cinéaste dont Blackbeard’s Eight Wife porte à incandescence la comédie loufoque en narrant la relation d’une jeune aristocrate (Claudette Colbert) avec un millionnaire (Gary Cooper)… sept fois divorcé. On se régale, et on en redemande!

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Cinq comédies d’Ernst Lubitsch

dist: elephant films.

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