Critique

[Critique ciné] L’Apparition: le religieux au coeur de l’intime

L'Apparition © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

DRAME | Comment démontrer l’indémontrable? Vincent Lindon enquête, et Xavier Giannoli prend de la hauteur.

Le nouveau long métrage de Xavier Giannoli (lire également son interview) s’ouvre dans le bruit et la fureur d’actualités télévisuelles qui écrasent pour se refermer dans le désert et en Cinémascope sur une musique symphonique qui élève. L’enjeu et le chemin parcouru sont on ne peut plus limpides. L’Apparition n’est pas un film d’idéologue, qui dit pour ou contre. C’est le film d’un sceptique en quête de sens qui cherche et interroge. Le pitch? À la demande du Vatican, Jacques, un reporter obstiné, tout en fêlures intérieures, intègre une commission chargée d’enquêter sur un événement peu banal. Dans une petite ville du sud-est de la France, une adolescente très pieuse affirme que la Vierge lui est apparue dans une lumière douce, lui adressant ces mots: « J’entends les cris du monde. » Faussaire de Dieu ou pas? Jacques tente de démêler la vérité du mensonge en homme libre, sans bigoterie ni cynisme.

En apesanteur

Comment croire à ce qui se dérobe à notre regard? S’emparant de cette question éminemment cinématographique dans un geste élégant, toujours juste, de mise en scène (ce plan fixe de quatre minutes, sans contrechamp, sur Galatéa Bellugi, la jeune actrice de Keeper, racontant l’apparition…), le réalisateur de Quand j’étais chanteur et À l’origine trace sa voie, loin du prosélytisme comme du persiflage, au coeur de cette bourgade sans histoire que l’exploitation sacerdotale et commerciale de l’hypothétique miracle menace de transformer en Disneyland de la foi.

[Critique ciné] L'Apparition: le religieux au coeur de l'intime

De Lourdes à Fátima, de Guadalupe à San Nicolás de los Arroyos, le cinéaste s’est penché sur une longue liste de faits apparitionnaires, authentifiés ou non par le Vatican, dans un souci d’authenticité très documenté, jouant la carte de la raison sans jamais fermer la porte à l’émotion. Rencontres hors-normes et documents rares ont allumé les feux de son inspiration. C’est cette photo d’une petite voyante aux mains jointes coiffée d’un casque électroencéphalographe, par exemple, qui traduit toute l’impuissance de la technologie à sonder les mystères de l’âme. Ou bien ce témoignage d’un prêtre avouant qu’à l’heure de rendre son dernier souffle, il se dira qu’il espère ne pas s’être trompé. Convaincu qu’on ne répondra pas au sens de nos vies avec des algorithmes, des preuves et des smartphones, il s’est aussi souvenu de la fin du Royaume du romancier Emmanuel Carrère: « Je ne sais pas. »

Si à l’écran Vincent Lindon confirme la stature incontestable, majeure, qu’il a prise ces dernières années, c’est bien Giannoli qui tient le gouvernail. À l’arrivée, il se dégage de son Apparition un sentiment rare de plénitude et d’harmonie, que quelques ponctuels flottements de narration ne parviennent pas à entamer. Car si « la vérité est ailleurs« , son cinéma y est aussi.

De Xavier Giannoli. Avec Vincent Lindon, Galatéa Bellugi, Patrick d’Assumçao. 2h20. Sortie: 14/02. ***(*)

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