Sampler et sans reproche

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Vu au départ comme un simple pillage, l’art du sample a acquis au fil du temps ses lettres de noblesse. Exemple avec cette anthologie.

C’est l’un des plus gros tubes de 2017. Produit par Metro Boomin, le titre Mask Off du rappeur Future est un grand morceau hypnotique, hanté par une étrange ligne mélodique, exécutée par une flûte mélancolique et désenchantée. Le gimmick, irrésistible, ne vient pas de nulle part: Metro Boomin est allé le chercher sur le morceau Prison Song, tiré de la comédie musicale Selma, composée en 1976 par Tommy Butler. Comme quoi, l’art du sample -le bon échantillon, au bon endroit, au bon moment- continue de compter dans le rap.

On a pu croire pourtant, à un moment, qu’il allait disparaître. Il n’en est rien. La science de l’échantillonnage a pu changer, évoluer, mais elle continue de constituer une composante essentielle de la musique hip-hop. C’est en tout cas ce qu’affirme Brice Miclet, auteur de Sample!, sous-titré Aux origines du son hip-hop. L’ouvrage est publié par Le Mot et le Reste, maison d’édition qui n’hésite jamais à assouvir ses tendances « listomaniaques ». C’est encore le cas ici avec Sample!, qui propose une anthologie des 100 samples qui ont marqué l’Histoire du hip-hop. Du Funky Drummer de James Brown, pillé par Public Enemy sur Rebel Without a Pause, à Timmy Thomas repris sur le Hotline Bling de Drake, en passant par Hall & Oates cité par De La Soul sur Say No Go (et en prenant soin de glisser tout de même quatre groupes français dans le tas: NTM, IAM, Mc Solaar et le 113).

Sampler et sans reproche

The big payback

Avant de détailler chacun d’eux -chaque fois sur deux pages-, Brice Miclet retrace tout de même une courte, mais pertinente, Histoire du sample. Comment il est né dans le Bronx, sur les platines de Kool Herc, pour muter petit à petit, notamment grâce à l’approche révolutionnaire de Marley Marl, et se spécialiser, à la faveur d’avancées technologiques toujours plus poussées (et de leur démocratisation). Le sample, insiste l’auteur, fait ainsi partie intégrante de l’ADN d’un genre qui a la caractéristique d’être tourné sans cesse vers les autres – d’abord le funk et la soul, avant de s’intéresser aussi bien au rock psychédélique turc qu’à la musique de films bollywood.

Une démarche d’emprunt ou de citation qui colle bien à l’époque post-moderne, mais qui pose forcément aussi des questions. Si aujourd’hui la technique est plus ou moins acceptée, elle a longtemps été vue comme un simple pillage… Entre-temps, les rappeurs sont toutefois passés à la caisse. Désormais, il est devenu rare qu’un sample ne sorte sans avoir été préalablement « nettoyé » -en d’autres mots accepté par les ayants droit du morceau original, contre une partie des royalties (voire l’intégralité, comme le célèbre Can I Kick It?, d’A Tribe Called Quest, dont tous les revenus sont tombés dans la poche de Lou Reed, samplé via Walk On the Wild Side). À l’époque du retour de bâton judiciairo-financier, d’aucuns pensaient que le sampling n’allait jamais pouvoir s’en remettre. Grâce à l’inventivité de producteurs aussi géniaux que J Dilla, Kanye West, Dr. Dre ou Madlib, il n’a pourtant cessé d’infiltrer la culture pop…

Sample!

De Brice Miclet, éditions Le Mot et le Reste, 256 pages.

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