Les Liens du sang

D’Errol Henrot, Éditions Le Dilettante, 190 pages.

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Pour son premier roman, Errol Henrot se situe au confluent de deux lames de fond traversant ces derniers temps la littérature: le « roman de barbaque », volontiers dénonciateur des méthodes infâmes pratiquées au sein des abattoirs industriels, et la « littérature péri-urbaine », produite par ceux qui savent enfin de quoi ils causent quand ils racontent les animaux de la ferme, l’ennui adolescent à distance des centres-villes, les grands espaces oubliés. Le lecteur suivra ici la trajectoire de François le Fataliste (dont le double projet consiste à « se faire le plus petit possible » et « ne plus rien décider »), élevé par un père saigneur de bétail, dont la fuite dans les romans n’empêchera pas le recrutement express chez l’équarrisseur du coin. Un avenir prometteur: « Toutes les 90 secondes, il saignerait un corps suspendu par les pattes arrières, chaque jour, durant les 40 prochaines années. » Quand l’amour déboule, il lui paraît normal de taire à sa belle l’intitulé de son nouveau poste, quitte à autoriser un malaise croissant à s’installer. Assistant aux brimades infligées aux bestioles par ses collègues désensibilisées, il encaisse comme une cocotte-minute, jusqu’à finir par exploser n’importe comment. Son drame? Se poser des questions quand leur émergence même suffit à l’empêcher d’accomplir sa sombre tâche.

F.P.

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