Coop et Shorty

Michel Le Bris retrace, dans un ouvrage monumental, l’existence mouvementée de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, les auteurs de King Kong. Vertigineux…

Kong

De Michel Le Bris. éditions Grasset, 944 pages.

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De Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, l’imaginaire cinéphile et la postérité ont retenu qu’ils furent, en 1933, les auteurs de King Kong, chef-d’oeuvre absolu et point d’orgue d’une filmographie qu’avait déflorée huit ans plus tôt Grass. Et qui allait aligner des oeuvres aujourd’hui oubliées, les Chang et autre The Four Feathers, bientôt suivies, dans le chef du seul Schoedsack, des Chasses du comte Zaroff, et d’autres titres encore, plus dispensables il est vrai, des Derniers jours de Pompéi en 1935, à Mighty Joe Young, en 1949 (Cooper se consacrant pour sa part, King Kong derrière eux, à ses activités de producteur, aux côtés de John Ford notamment). De quoi, en tout état de cause, asseoir leur réputation de seigneurs d’un genre cinématographique auquel ils apportèrent ses lettres de noblesse, eux à qui le New Yorker donna un jour du « T.E. Lawrence de l’aventure! »

Bigger than life

Inscrit dans les remous de la première moitié du XXe siècle, leur parcours défie l’entendement, il est vrai. Et il fallait un écrivain comme Michel Le Bris, biographe de Robert Louis Stevenson et auteur d’une oeuvre romanesque considérable, pour en prendre la (dé)mesure dans un volume monumental, biographie romancée où la chronique hollywoodienne ne se lasse pas de tutoyer l’Histoire. Tout, ici, apparaît « bigger than life », à commencer par la personnalité et le destin de Cooper et Schoedsack -« Coop » et « Shorty » comme on les surnommait-, l’un, héros de l’aviation américaine, l’autre, ayant cerné de sa caméra l’horreur des tranchées. S’étant rencontrés à Vienne au lendemain de la Grande Guerre, les deux hommes se découvrent bientôt unis par un même élan, aventuriers que leur volonté de filmer le « roman du réel » conduira d’Abyssinie à la jungle du Siam, en passant par l’Iran, s’attelant à restituer le mystère du monde et à défricher la nature profonde de l’homme au prix d’épopées dantesques. Entreprise immense qui débouchera sur une fiction sans précédent, King Kong, « pur diamant de nuit, déflagration onirique proprement unique dans l’Histoire du cinéma« , déployant son horizon mythique dans un environnement contemporain qu’il ne se ferait faute de transcender.

Fruit de huit ans de recherches, l’ouvrage que leur consacre Michel Le Bris, s’il parle d’abondance des coulisses du film, avec ce qu’elles racontent de Hollywood au tournant des années 20 et 30, réussit aussi à capturer, d’une écriture agile au service d’un sens aiguisé du récit, l’esprit d’une époque. Laquelle, pour être celle de tous les possibles, n’en béait pas moins sur l’abîme, perspective vertigineuse faisant aussi le prix de cette somme en tous points magistrale…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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