Objets trouvés (7/7): Le cinéma, complètement marteau

Old Boy © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Dans la boîte à outils copieusement garnie du cinéma de genre, il fait office de véritable coqueluche. Dernier objet fétiche de notre grande série d’été, mesdames et messieurs: le marteau.

Chaque semaine, l’histoire du cinéma vue à partir d’un objet qui lui colle à la toile.

Un arrachage de dents musclé d’abord. Un plan-séquence de bastonnade vertigineuse dans un couloir ensuite. En quelques minutes à peine -entièrement placées sous le signe du marteau, donc- de son inoubliable Old Boy, film de vengeance outré à la grandiloquence quasi opératique, le Coréen Park Chan-wook se fendait en 2003 d’une des tranches de cinéma de genre les plus frappadingues jamais vues sur grand écran.

Outil percuteur censé servir à aplatir un morceau de fer ou enfoncer un clou, le marteau, comme le couteau d’ailleurs, remonte en fait à la plus ancienne préhistoire. Au rayon 7e art, il est présent dès les premiers temps. Dans le cinéma burlesque, notamment, où il fonctionne comme ressort rythmique et comique. Voire par exemple l’irrésistible One Week (La Maison démontable) de Buster Keaton en 1920. Ou, plus tard, Modern Times de Charlie Chaplin (1936) et ce climax absurde qui voit Charlot serrer mécaniquement des écrous tandis que ses compagnons battent le fer dans son dos.

De fer et de sang

Mais c’est bien sûr en apôtre de la violence souvent la plus ultra qu’il finira par s’imposer. Plus qu’un simple outil détourné en arme: un véritable instrument de torture. C’est le marteau placé dans la main du grand-père quasiment momifié de la famille dégénérée de The Texas Chainsaw Massacre en 1974, celui -taché de sang- qu’Harrison Ford découvre dans sa remise à la fin du Presumed Innocent d’Alan J. Pakula (1990), celui qu’empoigne Bruce Willis avant de lui préférer une tronçonneuse puis finalement un katana dans Pulp Fiction (1994), celui couplé à une faucille qui trucide des projectionnistes dans La Cité de la peur (1994), celui qui explose un crâne façon pastèque dans le Kill List de Ben Wheatley (2011), celui qu’un Ryan Gosling impassible empoigne dans Drive (2011) ou bien celui que se trimballe un Joaquin Phoenix hirsute dans la chasse aux pédophiles qui noyaute le tout récent You Were Never Really Here de Lynne Ramsay (présenté à Cannes en mai dernier, pas encore sorti en Belgique). Ce sont encore les marteaux en rouge et noir, à l’avancée toute militaire, de The Wall (1982). Et même ceux que les juges abattent lourdement dans les films procéduraux. Ou que les barbares brandissent, menaçants, au rayon fantasy. Bref. Souvent chocs à défauts d’être chics: les exemples abondent.

Le mot de la fin? Il est pour Robert de Niro dans Casino (1995). « T’es droitier? » Bam, bam, bam, bam. Quatre coups secs et brutaux sur les phalanges d’un tricheur réduites en miettes. « Faut que t’apprennes de la gauche, maintenant. »

Old Boy (2003)

La vengeance est un plat qui se mange méchamment frappé dans ce thriller néo-noir d’anthologie signé avec maestria par le Coréen Park Chan-wook.

Objets trouvés (7/7): Le cinéma, complètement marteau

What Ever Happened to Baby Jane? (1962)

En baby star vieillissante rongée par l’aigreur, Bette Davis joue traîtreusement du marteau dans ce drame psychologique signé Robert Aldrich.

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One Week (1920)

Mésaventures en cascade(s) pour Buster « The Great Stone Face » Keaton dans ce court frénétique où le montage d’une maison en kit révèle son sidérant sens du slapstick.

Objets trouvés (7/7): Le cinéma, complètement marteau

The Wall (1982)

Défilé militaire de marteaux au son de Pink Floyd à décrypter en fracassante dénonciation du fascisme.

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Drive (2011)

Avec celle de l’ascenseur, sans doute la scène la plus emblématique de ce parfait petit objet pop mixant comme nul autre les ingrédients à même de faire les films cultes.

Objets trouvés (7/7): Le cinéma, complètement marteau

The Texas Chainsaw Massacre (1974)

Sommet absolu d’humour crade et malsain, la scène finale du dîner dégénéré de Massacre à la tronçonneuse culmine avec les coups manqués d’un papy sénile. Insoutenable ou hilarant, c’est selon.

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