L’Été des charognes

DE SIMON JOHANNIN, ÉDITIONS ALLIA, 142 PAGES.

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Ils sont une bonne poignée de mômes hirsutes, fleurant la sueur et la bouse, élevés à La Fourrière, lieu-dit du sud de la France squatté par une communauté de bergers rednecks dont ils sont la progéniture. Parmi eux, le narrateur et son pote, les grands-frères, tentent d’occuper leur été lascif avec les moyens du bord -des bêtes à poils et à plumes, surtout, vivantes ou en voie de décomposition, sans oublier leurs déjections abondantes. Les parents, très portés sur la bouteille comme les mandales, accueillent à tours de bras des « gueux » dégobillés des grandes villes, marginaux en rupture ou anciens toxicos échoués ici avec l’espoir du gîte et du couvert contre des travaux de ferme. Simon Johannin, auteur de 25 piges lui-même élevé dans la campagne tarnaise, signe un premier roman charnel, brutal, poétique aussi, où il convie les mouches et les asticots pour plonger son lecteur la tête la première dans un monde en marge. Un univers âpre et violent, peuplé de pères assoupis à l’arrière des bagnoles que leurs petits conduisent de retour de fêtes arrosées, de bus scolaires dont les arrêts correspondent à de pestilentielles usines d’équarrissage, mais aussi d’une insatiable soif de liberté dans la dèche. C’est charpenté, merveilleux pendant les trois premiers quarts, puis un peu plus broussailleux sur la fin, quand le gamin devenu adulte s’enfonce entre déconvenues et défonce accompagné de son clébard-totem. À l’arrivée, entre chamanisme de bouts de ficelles et charge rigolarde contre on ne sait trop quoi mais tant pis, il en reste la trace tenace d’une rencontre orageuse avec un écrivain à la voix puissante.

F.P.

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