Tout ce qui nous submerge

Gretel n’a plus vu Sarah depuis l’adolescence. Autrefois, fille et mère vivaient sur la rivière, faisant langue à part sur leur péniche, l’enfant assemblant les lettres du Scrabble et Sarah se faisant démiurge de mots. Elles se contentent de peu dans cette bulle autarcique marginale jusqu’à l’arrivée de Marcus, énigmatique garçon en tangente. Seize ans après la volatilisation maternelle, Gretel reçoit un appel à l’aide téléphonique anonyme et s’obstine à retrouver celle qui l’a abandonnée mais aussi ce drôle de compagnon de vie, peu avant leur départ précipité du bateau. Mais qu’a-t-il pu se passer là-bas pour en venir à déliter une famille? Qu’est-ce que Gretel a cherché à enfouir au plus profond? Comment percer ce  » marais d’absence de communication » avec Sarah le jour où elle refera surface? Plus jeune finaliste du Man Booker Prize à 27 ans, Daisy Johnson impressionne grâce à sa narration bivalve, flottant entre le passé tabou troué d’énigmes et le présent qui, sans répit, nécessite digestion des limons antérieurs, à mesure que la vérité s’écoule. Tout ce qui nous submerge est par ailleurs exemplaire d’une tendance qui nous réjouit, celle qui consiste à voir la littérature dite « blanche » se colorer et se densifier au contact d’éléments de la littérature de genre. Le Bonak, menace floue qui rôde mais laisse des traces tangibles et finit par faire perdre l’esprit, l’atmosphère de  » la rivière [qui] transforme tout ce qui est limpide en gadoue » ou le punctum oedipien sous masque sont autant de fils qui font de ce premier roman une expérience de lecture aussi immersive que singulière.

De Daisy Johnson, éditions Stock, traduit de l’anglais par Laetitia Devaux, 352 pages.

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