Black Nashville

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Brillante chanteuse british, Yola a enregistré, chez les présumés bouseux blancs country de Nashville, une production magnifiée par la patte de DanAuerbach.

Il n’est pas fréquent de commencer un album par le tube manifeste du lot, le délice Faraway Look, pas plus qu’une sortie contemporaine renvoyant à la grâce des années 60-70, sans manifeste rétrovolution. Il est tout aussi rare qu’une interprète britannique se glisse avec une telle aisance dans une production intrinsèquement américaine. Bien sûr, Dusty Springfield et plus récemment Duffy ont emmené leur blue-eyed soul anglaise sur les terres country US. Ici, il s’agit d’un crossover supplémentaire puisque Yola Carter, 35 ans, est black. L’info, incorrectement  » ethnique » en cette période de métissage déclaré, est le reflet d’une réalité de marchés mondialisés qui révèrent les étiquettes plutôt que l’évidence du talent. Mais comme la généralité survit mal aux exceptions, il y a donc ce disque puissant, enjoué, charnel, terrien, résultante d’une rencontre entre deux types d’outsiders. La première, Yola, est née à Portishead -près de Bristol- dans une famille fauchée et dysfonctionnelle, la musique y étant considérée comme infraction aux lois de la nature. Principe n’ayant pas résisté à l’une des voix les plus soulful de l’actuel Royaume-Uni: Massive Attack, entre autres, ne s’y est pas trompé, invitant Yola sur la scène de l’énorme Glastonbury Festival en 2008 déjà.

Black Nashville

L’autre partie du compagnonnage, c’est Dan Auerbach, moitié des Black Keys, duo d’or et platine. Déménageant à Nashville il y a une petite décennie, Dan nous disait il y a deux ans:  » À Nashville, tu te lèves et tu ne sais pas ce qui va t’arriver: l’excitant c’est l’inconnu. Le sens de l’aventure sonique et humaine. » Dans ce qui fut longtemps l’incarnation du country redneck blanc, les temps ont drôlement changé, même si cet album sur le label d’Auerbach invite, parmi une vingtaine de musiciens et vocalistes, de vieux renards comme l’harmoniciste Charlie McCoy -78 piges- et la star Vince Gill, sexagénaire couvert de Grammies. Le bain préparé par Auerbach est un mélange de pedal steel, cordes, mandoline, claviers, guitares et cuivres, jouant d’une latitude entre la parfaite ballade countryisante ( It Ain’t Easier) et l’évocation réussie des grandeurs fânées de Roy Orbison ( Lonely the Night). Sans oublier ce Faraway Look d’ouverture, digne de Burt Bacharach/Dionne Warwick. Douze titres où la qualité ne faiblit pas, donnant à l’ensemble une cohérence d’album « à l’ancienne », même si le registre country-soul se pare aussi de teintes funky ( Still Gone) ou davantage cowgirl ( Walk Through Fire). Yola y plonge avec sa magnifique voix chocolat, cosignant toutes les compositions -avec Auerbach et le pianiste Bobby Wood- traitant notamment d’un incendie qui a failli l’emporter et des stress de l’amour défait ou encore à faire. Faisant preuve d’une telle classe internationale que le non-succès s’annonce difficilement concevable.

Yola

« Walk Through Fire »

Distribué par Warner Music.

8

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