Vendredi sur Mer

Avec son parler-chanter et son image de papier glacé, Vendredi sur Mer maintient dans le flou Charline Mignot. Jusqu'à quand? © DR

Suissesse installée à Paris, Charline Mignot était partie pour étudier la photo avant de s’inventer, « par hasard », une vie de chanteuse pop synthétique au charme flou.

 » C’est marrant, c’est la troisième interview de la journée et c’est la troisième fois qu’on me pose la question. » Charline Mignot ne s’offusque pas, elle constate. Peut-être même comprend-elle. À 23 ans, la Suissesse est sur tous les radars médiatiques parisiens, de France Inter aux Inrocks (dont elle a fait la cover). Cette semaine, elle sort un premier album – Premiers émois-, deux ans après un premier EP Marée basse. Et seulement quatre après avoir écrit sa première chanson… Alors, oui, quelle est l’ambition de Vendredi sur Mer?  » Je n’ai toujours pas de réponse« , rigole-t-elle.

Question de l’Ancien Monde, sans doute. Raccord avec sa génération décomplexée, Charline Mignot n’a pas de plan, ne vise rien en particulier: elle fait. Aujourd’hui, c’est de la musique pop en français dans le texte. Une chanson mi-cake, mi-mellow, mi-mellow cake, vernis disco seventies et décalage électro eighties compris, quelque part entre Mylène Farmer et Jakie Quartz. Mais demain? Au départ, Charline Mignot se destinait d’ailleurs à la photographie. Elle a fait une école à Paris, là où elle a toujours rêvé de s’installer. La grande Ville-Lumière, avec son bouillonnement culturel, mais aussi son stress, sa jungle.  » Oh ben, c’est pas si mal que ça, la jungle! (sourire) Moi, j’adore, il y a plein d’animaux, c’est foisonnant. Sans rire, on a accès à tout, on rencontre plein de gens différents, et en même temps, ça reste un petit milieu. Tout le monde se connaît! » Pas de panique, on vous dit.

Vendredi tout est permis

Charline Mignot a grandi à Genève. C’est après les secondaires qu’elle décide de quitter le cocon familial pour filer d’abord vers Lyon et suivre une année préparatoire en études artistiques, avant d’enchaîner avec la photo. C’est lors d’une exposition de son travail que le boss de son futur label, Profil de Face, la repère.  » J’avais 17-18 ans à l’époque. Il avait apprécié l’expo et m’a contactée, assez lourdement d’ailleurs (rires), pour me proposer de m’occuper des visuels des groupes de son label. Mais ce n’était pas vraiment mon truc, je ne répondais pas trop. »

Elle-même vient pourtant de poster un premier morceau en ligne. Un titre composé au départ pour accompagner le making of d’un shooting photo.  » J’avais posté un message sur Facebook, un peu comme une bouteille à la mer: « Quelqu’un pour me faire une production sur un slam? » Mot pour mot ! (rires) On était au mois d’août. Le gars, un pote d’Annecy, n’avait pas grand-chose à faire ce jour-là. Je lui ai envoyé mon texte, que j’avais enregistré avec le micro de mon iPhone. Et je lui ai donné deux, trois consignes. Qu’il n’a pas du tout suivies! Mais le résultat était quand même trop bien. Je n’ai jamais organisé le shooting en question. Mais j’ai publié le titre sur SoundCloud. » Le boss de Profil de Face finit par tomber dessus. Quand Charline se décide finalement à le rencontrer, il ne lui parle plus de photo. Mais bien de musique, de label, d’album et de single à « masteriser » – » je ne comprenais rien à ce qu’il me racontait » (rires).

Pour certains, sortir un disque relève du parcours du combattant. Pour d’autres, comme Vendredi sur Mer, cela leur tombe simplement dessus.  » Encore une fois, c’est vraiment une question de hasard! Ça peut paraître arrogant, mais c’est la vérité!« , sourit-elle. De fait, en interview, Charline Mignot est loin de se la « péter ». Elle est plutôt détendue, chaleureuse. Assez loin finalement de l’image de diva pop un peu glacée. Sur ses premiers titres, son parler-chanter pouvait même sous-entendre une colère sourde, ou en tout cas une certaine distance, voire une menace.  » En vérité, j’ai commencé comme ça, parce que je n’étais pas complètement à l’aise avec l’idée de m’entendre chanter. Après, ce n’est pas la seule chose qui a joué. J’aime aussi l’idée que le parlando fasse davantage ressortir les mots. Ils ne sont pas cachés derrière une mélodie. » Non pas que Vendredi sur Mer ait la prétention d’avancer de grands messages. On devine qu’elle a plutôt tendance à se méfier des engagements politiques trop prononcés. Elle préfère suggérer, et parler de chansons  » universellement intimes » , c’est-à-dire  » que tout le monde a vécu ce que je raconte, mais pas forcément de la même manière« . La plupart parlent donc d’amour. Beaucoup entretiennent un certain flou, volontiers kitsch (la pochette de l’album où elle pose en Vénus sur coquillage) et queer (le clip d’ Écoute chérie).  » S’agit-il d’une femme parlant d’une autre femme? Ou est-ce juste moi qui me mets à la place du garçon avec qui j’étais? J’aime bien cette incertitude. »

Comme pas mal de projets de pop « millennial » actuels, Vendredi sur Mer propose des visuels très travaillés (chassez la photographe, elle revient au galop). Ils font partie du package. Et tracent aussi les contours de ce qui ressemble à un vrai personnage. À moins que?  » J’y réfléchis pas mal ces derniers temps. Au départ, il s’agit en effet d’une sorte de double créé pour me protéger. Je me rappelle des premiers concerts, où je pouvais avoir l’impression de me retrouver en séance psy face à des inconnus. Vendredi sur Mer me permettait de prendre du recul, de me dire que ce n’était pas moi. Mais si ça reste un personnage, aujourd’hui, les deux se rejoignent petit à petit. »

Vendredi sur Mer, Premiers émois, Sony/Profil de Face. En concert le 27/04 aux Nuits Botanique, Bruxelles, et le 14/07 au festival de Dour.

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