Grande bellezza

Six mois à peine après son dernier album, Ariana Grande s’émancipe avec Thank U, Next, pop grand public qui n’oublie pas d’être personnelle.

Rien ne vaut un bon storytelling. En pop plus qu’ailleurs. En effet, tout se passe comme si, désormais, la musique ne suffisait plus tout à fait. Elle reste certes indispensable, mais si elle veut s’assurer de toucher le plus grand nombre, elle fera rarement l’économie d’une « bonne » histoire. À bien des égards, Ariana Grande en a longtemps manqué. Le pitch? Celui d’une lolita pop, façon Britney Spears ou Christina Aguilera. Soit un itinéraire passant par la comédie musicale et la télé (la série ado Victorious sur Nickelodeon). Avec, cerise sur le gâteau, l’omnipotent Max Martin, king of the divan du tube XXL (de Katy Perry à The Weeknd, en passant par… Britney Spears), pour accompagner le lancement de la star (dès son deuxième album, My Everything, en 2014).

Trois disques plus tard, le producteur suédois est d’ailleurs toujours présent. Ariane Grande, elle, n’est cependant plus tout à fait la même. Forcément, son parcours a été marqué par l’attentat-suicide d’un terroriste, se faisant exploser à la sortie de l’un de ses concerts, en 2017, à Manchester (causant la mort d’une vingtaine de personnes, majoritairement des ados, fans de la chanteuse). Mais ce n’est pas tout. L’été dernier, trois semaines à peine après la sortie de son album Sweetener, son ancien fiancé, le rappeur Mac Miller, mourait d’une overdose, âgé d’à peine 26 ans. En un peu plus d’un an, la chanteuse américaine voyait sa carrière décoller, en même temps que sa vie personnelle brisée en morceaux…

Grande bellezza

Les esprits cyniques ne pourront s’empêcher de faire le lien, analysant le succès de Grande par le prisme des drames qu’elle a traversés -après tout, elle-même a plus d’une fois blagué sur le manque d’aspérité de sa trajectoire, faisant mine d’attendre le scandale qui allait faire d’elle une mégastar. Ces tragédies ne l’ont pourtant pas faite. Elles l’ont juste libérée. Sans doute faut-il parfois que la vie vous bouscule pour se rendre compte à quel point elle est éphémère, trop brève que pour se permettre de ne pas être tout à fait soi-même. C’était déjà ce que racontait un disque comme Sweetener. Six mois à peine plus tard, Thank U, Next, persiste et signe.

En soi, l’ouvrage n’est pas révolutionnaire. Moderne, il reste une grosse production pop où se bousculent les intervenants et où chaque seconde de musique a été savamment réfléchie. En cela, Ariane Grande a l’intelligence de ne pas renier le format qui lui sied le mieux. Plutôt que de l’enfermer, elle en fait cependant un exercice libérateur. Dans ce carcan, la jeune Américaine (toujours que 25 ans) s’émancipe, la voix toujours aussi acrobatique (façon Mariah Carey sur Imagine), mais aussi plus personnelle et décomplexée. Que ce soit pour se livrer ( Ghostin) ou s’essayer à des registres inhabituels ( 7 Rings, lorgnant vers My Favorite Things, piqué à la Mélodie du bonheur, tout en glissant vers le phrasé rap). C’est le morceau-titre qui résume encore le mieux cet état d’esprit. Chanson passant en revue ses ruptures amoureuses, Thank U, Next se morfond moins qu’elle ne célèbre tout ce que ses différents coups durs ont pu lui apporter. Où tout ce qui ne vous tue pas ne rend peut-être pas plus fort, mais assurément plus authentique.

Ariana Grande

« Thank U, Next »

Distribué par Universal.

7

En concert le 30/08, au Sportpaleis, Anvers.

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