Charlotte Adigéry: « Cette vulnérabilité, on ne peut pas me l’enlever »

Adigéry, de retour d'une tournée australienne en compagnie de Neneh Cherry. © DEEWEE
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Gantoise d’origine antillaise, mélangeant dance électronique et opiniâtreté punk, elle sort un nouvel EP sur Deewee, le label des frères Dewaele. Présentation d’une musicienne sans case et sans reproche.

Impossible de la rater. Ce jour-là, Charlotte Adigéry porte une perruque blonde. Platine. Mais, pour le même prix, elle aurait pu être bleu flashy ou rouge pétant. Comme elle le chante dans High Lights, son dernier single: « Every week, a different do« , à chaque semaine sa coupe de cheveux. « On m’a fait le reproche, rigole l’intéressée. Genre: « Tu changes tout le temps de coiffure, on ne te reconnaît pas, tu dois trouver ton style à toi, etc. » Mais je n’y peux rien, j’adore ça! » Ce n’est pas qu’une coquetterie. Comme pour beaucoup de femmes noires, la question des cheveux dépasse le simple divertissement capillaire. « C’est un jeu, certes. Mais c’est aussi un rituel presque politique, quelque chose que la femme noire a toujours fait. C’est une manière de s’occuper de soi et de célébrer qui on est. Il ne s’agit pas non plus de « cacher » mes cheveux. Parfois, on me demande si je suis chauve. Non, pas du tout! J’ai des cheveux, et j’en suis fière. Mais ils demandent pas mal d’entretien. Et puis, surtout, j’aime changer! »

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Une identité, mais plusieurs personnalités, voire plusieurs rôles, c’est un peu ce que prône la jeune femme. C’est d’ailleurs… au cinéma qu’on la croise pour la première fois. Dans la scène finale de Belgica, le film de Felix Van Groeningen, Charlotte Adigéry monte sur scène pour chanter The Best Thing. C’était en 2016. Depuis, elle n’a pas plus vraiment quitté les radars, que ce soit sous son nom ou derrière le pseudo WWWater. Avant un éventuel premier album, elle sort aujourd’hui un nouvel EP, Zandoli. En outre, elle revient tout juste d’une tournée australienne en première partie de Neneh Cherry. Difficile d’imaginer meilleur compagnonnage. Ou de ne pas tracer un parallèle entre les deux caractères, indépendants et têtus…

Hors case

Avec un père originaire de Guadeloupe, une mère martiniquaise, Charlotte Adigéry, 28 ans, a grandi à Gand. « La musique a toujours été présente dans ma vie. J’imagine que ça a en partie à voir avec mes racines antillaises. En Martinique, quand on se retrouve en famille, il y a forcément de la musique, on se met souvent à chanter, c’est quelque chose de complètement spontané. » Sa mère, Christiane, est d’ailleurs souvent montée sur scène, chanteuse semi-pro. « Petite, je l’accompagnais à ses répétitions. Mon batteur au sein de WWWater (Steve Slingeneyer, ex-Soulwax, NDLR) a même joué avec elle dans les années 90! »

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En sortant des secondaires, Charlotte s’inscrit à la section musique de la haute école PXL, à Hasselt. « J’avais envie d’avoir une vision plus générale du paysage musical, d’appréhender the bigger picture. Puis je voulais aussi trouver les outils pour traduire ce que j’avais en moi. » Dans la foulée, elle commence à faire des choeurs pour Baloji ou encore Arsenal. C’est d’ailleurs un backliner de ces derniers, bossant également pour Soulwax, qui refile le nom de Charlotte pour la BO de Belgica, confectionnée par les frères Dewaele. La connexion avec la plus célèbre fratrie électro du pays est faite.

Rapidement, David et Stephen lui filent les clés de leur studio Deewee, à la fois pour digitaliser leur énorme collection audio-vidéo et bosser sur sa propre musique. À l’époque, elle a déjà commencé à bidouiller ses propres morceaux, sous le nom de WWWater: ils paraîtront dans un premier EP, baptisé La Falaise. Par contre, pour ceux qu’elle enregistre chez Deewee, elle les publie sous son nom. La différence? « Les deux projets sont complémentaires. Après La Falaise, qui était très organique, assez doux, j’avais envie de quelque chose de plus cru, un peu plus punk et physique. Je voulais qu’après un concert, je sois rincée! D’où un second projet, cette fois sous mon nom. » Quitte à semer la confusion? « Certes… J’avoue que je n’ai pas trop d’arguments à donner. Tout ça est très spontané. Je me dis que ceux qui aiment seront contents d’en avoir plus (sourire). Un peu comme Ty Segall qui sort cinq albums par an! »

Concocté avec le camarade Bolis Pupul (alias Boris Zeebroek), son nouvel EP Zandoli ajoute encore de nouvelles couleurs au tableau. Entre techno créolisante (Paténipat), avant-pop mélancolique (BBC, Okashi), et tubes déviants sous influences eighties (Cursed and Cussed, High Lights), Adigéry ne tranche pas. Elle mélange, assemble, changeant de genre comme… de perruques. « Je suis Belge, Gantoise, d’origine antillaise. Au plus je grandis, au plus j’ai envie d’associer ces différents mondes. Actuellement, il y a d’ailleurs toute une génération d’artistes black qui rapprochent leurs racines des musiques indie ou punk avec lesquelles ils ont grandi en Europe. Des gens comme Yves Tumor, FKA Twigs, Dean Blunt, Serpentwithfeet… »

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Il n’est pas seulement question ici de boulimie artistique. Entre les lignes, on devine aussi qu’il y a, chez Charlotte Adigéry, une envie irrépressible de ne pas se laisser enfermer dans une quelconque case. À commencer par celle qui est souvent réservée aux chanteuses noires . « On m’associe encore souvent au r’n’b ou à la soul. Je ne comprends pas. J’adore ces musiques, mais ce n’est pas forcément ce que je fais! Le seul morceau qui pourrait s’en rapprocher, c’est peut-être The Best Thing. Et encore: si la chanson avait été interprétée par une chanteuse blanche, personne n’aurait fait le lien. C’est un peu ce qui m’a fait peur après La Falaise. C’est comme s’il ne pouvait y avoir aucun doute: voilà ce que je suis, ce que je vais toujours être! Souvent, on m’a dit: « On sent que tu te cherches encore. » Mais heureusement! La création, c’est d’abord ça: la recherche, le doute. Cette vulnérabilité, on ne peut pas nous l’enlever. »

Charlotte Adigéry, Zandoli EP, distr. Deewee/Pias. ****

En concert entre autres le 08/02 au Trix, Anvers, le 04/04 à l’AB, Bruxelles.

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