L’éloge de la simplicité?

Troisième volet d’un projet entamé en 2015, Kingdom: Two Crowns transforme en images des concepts de gestion et de stratégie. Un jeu malin et très taquin.

Implacable et vénéneux, le monde ouvert de Dark Souls se passait volontairement de cartes et de GPS pour affûter le sens de l’observation du joueur. Cette épopée fantasy renouait ainsi, il y a huit ans, avec une famille de jeux oldschool privilégiant l’apprentissage par l’erreur. Sans chiffres ni statistiques, Kingdom: Two Crowns s’empare, lui aussi, de cette double dynamique. Ses charmants tableaux naturalistes a priori anodins cachent ainsi un écosystème furieusement complexe. Ou comment réinventer les jeux de gestion et de stratégie, sans calculette ni tableau.

Exit les barres de vie et autre scores. Du récent Gris (des Espagnols de Nomada Studio) à ICO, Journey ou Another World, un pan entier du jeu vidéo pratique, depuis trois décennies, l’épure visuelle pour favoriser l’immersion. Le ruissellement de l’eau sous le clair de lune, un croassement de corbeau caressé de nappes de synthé crépusculaires: Kingdom: Two Crowns déballe une époustouflante réalisation en pixel art et une BO attachante. Le désir d’aider son cavalier de roi à garder sa couronne s’empare irrémédiablement du gamer.

Cette tâche n’est pas aisée car chaque coucher de soleil réveille des monstres déboulant aléatoirement de la gauche et de la droite de l’écran. Menacé constamment par des nuits d’une poignée de minutes, le joueur cavalera donc en journée pour « construire, étendre et défendre » son camp de base. Maître en minimalisme, Thomas van den Berg, son créateur, se limite aux déplacements latéraux du canasson et à une seule touche d’action pour nous confier cette mission.

Un roi, des monstres, plusieurs possibilités

Le développeur batave propose d’effectuer une foule de dépenses en se plaçant simplement devant ou près de l’objet visé. Jeter une pièce près d’un paysan l’engage ainsi de facto dans l’entreprise. Faire de même face à une barricade potentielle ou à une échoppe activeront respectivement une construction ou un achat d’arme. Plus ou moins élevées selon leur efficacité, ces dépenses s’interconnectent avec élégance. Ainsi, rien ne sert d’acheter une hache pour envoyer du personnel couper du bois si ce dernier – rare- vient à manquer.

La hiérarchie des priorités s’érige donc en mantra, pour qui ne veut pas se retrouver les poches vides et les quatre fers en l’air. Sans inventaire sur les forces vives en présence, on parcourt donc ses terres en essayant de garder un équilibre entre collecte de ressources (bois, gibier…) et frais. Une bourse plus ou moins remplie de pièces fait office d’état des comptes. Et la nature laconique de cette simulation frustre parfois. Invoquant de courtes phases d’arcade où l’on gère la fatigue de son cheval et où l’on se poste face à du gibier pour signifier aux chasseurs de venir les traquer, Kingdom: Two Crowns n’en demeure pas moins fascinant. Le jeu laisse le gamer perdre son temps à essayer de rattraper l’impossible. Observer et réfléchir sans assistance est vital. Le sens de la déduction du gamer carbure. Une vertu salutaire.

Kingdom: Two Crowns

Édité par Raw Fury et développé par Noio/Coatsink, âge: 7+, disponible sur Nintendo Switch, PC, PlayStation 4 et Xbox One.

8

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