Au théâtre ce soir

Un double CD restitue la triomphale année à Broadway de Bruce solo. Des chansons emblématiques doublées d’une logorrhée biographique.

 » Ma mère est dans sa septième année d’Alzheimer et elle a 93 ans, mais le désir de danser est quelque chose qui ne l’a jamais quitté. Ça reste une part essentielle de ce qu’elle incarne, c’est au-delà du langage, c’est plus puissant. À chaque fois qu’elle entre dans la pièce, on s’assure qu’il y ait de la musique. » On en est à peu près à 43 minutes du premier des deux CD, qui en compte encore 28, et Bruce parle de sa mère. Ce qui pour la progéniture d’Adele Ann Zerilli aux racines napolitaines revient à nommer l’incarnation la plus proche de la Vierge Marie. D’ailleurs,  » en catholique qui le sera toujours un peu », le plus fameux des prognathes américains raconte qu’il avait souvent l’impression d’être le fils suprême. Entre le 12 octobre 2017 et le 15 décembre 2018, Springsteen a occupé le Walker Kerr Theatre, 975 places au 219 West 48th Street, au coeur de Broadway. À raison de cinq fois par semaine, le musicien nanti -500 millions de fortune estimée- se produit donc dans un spectacle aux tickets de 75 à 850 dollars. Cosy mais cher, musical mais noyauté de parole: il était une fois l’Amérique.

Au théâtre ce soir

Ce qui doit en principe ne durer que huit semaines de représentations s’étend à quatorze mois: une partie de la planète rapplique voir Bruce à Broadway. Fascinée par l’intimité topographique du show unplugged: guitares acoustiques, grand piano et harmonica accompagnent la voix de son maître avec l’apparition certains soirs de Patti Scialfa, Madame Springsteen, en backing vocal sur Brilliant Disguise et le castard Tougher Than the Rest. La première impression est déconcertante: Bruce parle presque autant qu’il ne chante. Comme dans une ancienne émission radio, de longs monologues contextualisent les morceaux avec des relents de son autobiographie parue il y a deux ans. Obsession d’un père largué dans les boulots anodins entre deux stops aux bars locaux ( My Father’s House), provincialisme coupable à une heure de bagnole de New York ( My Hometown), Springsteen dessine le plus héros des anti-héros américains, qui n’oublie pas ses amis, comme Clarence Clemons dans une épatante version de Tenth Avenue Freeze-Out. Au fur et à mesure du passage en revue de sa carrière, Bruce dezoome de l’itinéraire perso pour filer au corps même de la question américaine. Notamment quand en début de second CD, il évoque sa rencontre en 1980 avec Ron Kovic, héros/victime de la guerre du Viêtnam. Ce qui amène ce deuxième disque de Born in the U.S.A. en déconcertante version bluesy, à Born to Run. Double moment où l’électricité naturelle des originaux est soufflée dans une brusque acoustique organique que le Petit Jésus n’aurait pas désapprouvée. Ne fût-ce que pour baptiser les chansons.

Bruce Springsteen

« Springsteen on Broadway »

Distribué par Sony Music.

8

Springsteen on Broadway est visible en version documentaire sur Netflix.

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