L’Étoile mystérieuse

L’illustrateur Georges Beuville est passé par Tintin en 1950. La Crypte Tonique édite et contextualise pour la première fois un récit qui en a influencé plus d’un.

En 1950, l’illustrateur Georges Beuville, mort en 1982, publiait 35 planches dans le Journal de Tintin. L’adaptation d’un roman d’aventures d’Eugène Sue, Le Morne-au-Diable, mettant en scène l’excentrique chevalier Polyphème de Croustillac en route vers les Antilles. Trente-cinq planches, mais pas une de plus: bien que sollicité par Hergé et toute l’équipe de Tintin  » béate d’admiration devant l’aisance et le chic qui vous permettent de réaliser des dessins aussi splendides », Beuville ne poursuivra pas l’expérience, échaudé par le malaise graphique que provoquent ses dessins nourris de peinture, pleins de hachures, de traits et de spontanéité au sein d’une rédaction qui a déjà fait de « la ligne claire » son standard et sa norme, même si ce goût du dessin plein, lent et fermé n’a pas encore de nom. Surnommé « La Palette » ou « L’étoile » par son statut de « Peintre de l’Air », un titre officiel qui lui permettait d’ajouter une étoile dans sa signature, Beuville s’en retourne aux dessins de presse et aux illustrations, et disparaît des radars BD. En apparence seulement. Car Beuville est un « artiste d’artistes » admiré de beaucoup et dont l’influence se fera sentir jusqu’à cette « nouvelle bande dessinée » incarnée par les Sfar et autres Blain qui semblent « faire du Beuville » avec 60 ans de retard! La preuve par cette formidable édition, et le fascicule qui l’accompagne.

L'Étoile mystérieuse

De Franquin à Blain

Parallèlement à l’édition extrêmement soignée des planches de Beuville, le magasin-magazine de Philippe Capart, spécialisé dans la narration par l’image, publie en effet un quatorzième numéro de La Crypte Tonique, L’Étoile vue(s) de Belgique, 20 pages encartées directement dans Le Morne-au-Diable (ou vendu séparément). Il y narre non seulement les circonstances et le contexte de l’arrivée de Georges Beuville dans Tintin, mais aussi l’incroyable bouche-à-oreille qui accompagne depuis l’artiste auprès de ses pairs: Hergé en est fan, René Follet a 19 ans lorsqu’il le lit, Franquin le fait découvrir à Bernard Hislaire, Alec Severin le montre à Sfar qui emporte des planches à son atelier (où se croisent Trondheim, David B., Emmanuel Guibert, Émile Bravo et Christophe Blain), et prévient son confrère:  » Ne t’affole pas, ça va être spolié, ça va bien servir!« . Même Cabu, interviewé par l’auteur-éditeur en 2012, lui confesse sa totale admiration pour Beuville:  » Sa sensibilité est extraordinaire, c’est comme si on sentait la légèreté de la plume! » Et de fait, on ne peut qu’être abasourdi par la beauté et la modernité graphique des cases du Morne-au-Diable, le secret jusqu’ici le mieux gardé du petit monde de la bande dessinée. Une perle qui se mérite: l’ouvrage, tiré à 1 000 exemplaires, n’est disponible que dans deux librairies, La Crypte Tonique à Bruxelles et Petite Égypte à Paris, ou en ligne via le site de l’éditeur, décidément inspiré.

Le Morne-au-Diable

de Georges Beuville, d’après Eugène Sue, Éditions La Crypte Tonique, 82 pages.

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